Clara Gutsche Commissaire / curator : Marie-Josée Lafortune
du 9 avril 2022 au 11 juin 2022 Portraits d’enfants. Children Des séries Milton-Park (1970-1973), Les sœurs Cencic (1974-1976), Sarah (1982-1989), Jeanne-Mance Park (1982-1984), Siblings and Singles (2008 - 2022)
Visite commentée : samedi 11 juin, à 15h avec Clara Gutsche et Marie-Josée Lafortune.
L'opuscule qui documente l’exposition-à découvrir par le biais de ce LIEN (pdf).
La photographe Clara Gutsche a observé la réalité sociale de ses contemporains d’un point de vue intimiste et engagé. L’important legs des droits civiques et celui de la cause des femmes ont eu une influence déterminante dans sa façon d’appréhender le réel. Puisant son inspiration dans la banalité des situations domestiques, approche qui rejoint ses convictions féministes, elle a cherché à représenter cette position dans un contexte culturel et social en constante évolution.
Cette exposition monographique veut souligner la contribution significative de l’artiste qui s’inscrit dans la tradition de la photographie documentaire. Le corpus réunit des portraits réalisés à partir des années 1970 jusqu’à nos jours.
La série Milton-Park (1970-1973), entreprise avec son conjoint David Miller, est certes la plus connue. L’acte photographique agit non seulement comme témoin, mais il est aussi porteur d’une cause que Gutsche décrit de l’intérieur. Ses images tout comme celles de Miller ont transcrit et enregistré un quotidien qui a permis de faire avancer la cause d’une communauté où le couple a vécu. The Women’s Centre, 3694 Ste-Famille (1971-1972) regroupe, dans l’exposition, des portraits de femmes qui font découvrir un milieu de vie féministe. On s’attarde entre autres aux activités communautaires et militantes qui y ont cours. Il s’en dégage une intimité, une proximité avec le sujet, qui provient de l’expérience de l’artiste et de sa connaissance des courants sociaux, ayant participé à des groupes de conscientisation du mouvement féministe aux États-Unis.
À la suite de Milton-Park, elle s’intéresse à représenter un même sujet sur une plus longue période. Les séries Les sœurs Cencic (1974-1976) et Sarah (1982-1989) sont caractéristiques d’un processus qui s’inscrit dans la durée. L’artiste amorce une réflexion qui porte sur le médium photographique, à savoir comment il peut être utilisé pour décrire les expériences des filles et des femmes.
D’une grande sobriété, les portraits individuels et de groupe des six sœurs Cencic font défiler le devenir « femme » des jeunes filles, captées dans leur quotidien et dans leurs activités pendant trois années consécutives. Gutsche explore les conventions du portrait (frontalité, pose) qu’elle continuera à la naissance de sa fille Sarah, entreprenant de documenter la relation mère-fille dans des intérieurs domestiques et des extérieurs, baignés par la lumière naturelle.
Ces séries se démarquent par leur style direct, épuré, et par le thème de l’enfance, de la jeunesse, de la représentation de soi comme sujet. D’autres similitudes les rassemblent. On remarque les éléments architecturaux des lieux (seuil, embrasure de porte, escalier) qui encadrent le sujet et servent d’accessoires ou de toiles de fond aux mises en scène. Abondent aussi les références aux formats intimistes des portraits du 19e siècle (Cameron) et à une modernité photographique (Evans, Strand).
Par contraste, Jeanne-Mance Park (1982-1984) offre une facture minimaliste, plus graphique, et accorde une place prépondérante à l’espace vécu, à une géographie humaine (A. Frémont). Gutsche rend ce lien perceptible à travers les interrelations sociales qui composent et habitent le paysage et auxquelles elle participe avec sa fille. La présence de Sarah et celle de l'artiste, que l'on aperçoit en ombre portée avec la chambre photographique, se fondent dans les aires de jeux du parc. Le paysage devient le motif principal de la fonction de documenter, d’enregistrer le réel tel qu’il se présente, sans hiérarchie, ramenant les composantes presque sur un même plan.
Présentés en primeur, les portraits en pied, de grand format, de la série Siblings and Singles (2008-2022) ont été réalisés lors d'une résidence artistique en Suisse et auprès de familles et proches de l’artiste, au Canada et aux États-Unis. Gutsche poursuit ses recherches sur le genre et l’identité, en actualisant ces enjeux. Elle observe les transformations du temps, thème qui lui est cher, et s’attarde aux liens fraternels, aux rites de passage, photographiant des jeunes à l’orée de l’adolescence et à différents stades de leur vie. L’expérience dans la durée est une constance dans sa pratique et propose une vision contemporaine du portrait comme genre.
Commissaire : Marie-Josée Lafortune
Une publication accompagne cette exposition, à paraître en 2024.
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Remerciements
Les trente-deux épreuves argentiques des séries Milton-Park (1970-1973), Les sœurs Cencic(1974-1976), Sarah(1982-1989) et Jeanne-Mance Park(1982-1984) proviennent de la collection du Musée des beaux-arts de Montréal. Nous voulons exprimer toute notre gratitude à l’équipe de conservation et à son directeur Stéphane Aquin pour le prêt accordé.
Clara Gutsche remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour l’Atelier-résidence de la Fondation Christoph Merian à Bâle, Suisse (2008), la APTPUC (Association des professeur.e.s à temps partiel de l’Université Concordia) Développement professionnel, Pedro Jose Pedro Barbáchano
et David Miller.
Native de Saint-Louis (Missouri), Clara Gutsche est professeure au département des arts visuels (Studio arts) de l’Université Concordia où elle enseigne la photographie. Ses œuvres font partie d’importantes collections publiques et particulières au Canada et à l’étranger. Elle a participé à de nombreuses expositions au Canada, aux États-Unis et en Europe, principalement en Belgique, en France, en Italie et au Portugal.
Marie-Josée Lafortune est directrice du centre d’art contemporain OPTICA. Elle a publié dans les revues esse arts + opinions, Parachute, Spirale et a codirigé les ouvrages Penser l’indiscipline et Archi-féministes !, parus chez OPTICA.