Gabor Szilasi
du 16 janvier 2010 au 20 février 2010 Portraits au Polaroid
Commissaire : Marie-Josée Lafortune
En 1974, Gabor Szilasi débute une série de portraits sur pellicule Polaroid, un projet qu’il poursuivra jusqu’en 2002. Ce corpus d’images – qui a rarement été montré et n’a jamais été imprimé dans sa totalité – réunit un ensemble de portraits intimistes pris en plans rapprochés et mettant principalement en scène des femmes, des membres de sa famille, des amis photographes et artistes. Pour cette exposition, OPTICA a commandé à l’artiste l’impression de quinze œuvres, dont plusieurs inédites, dans une édition limitée (3/3).
La série se subdivise en deux séquences, définies selon le film choisi : les premiers portraits sont fixés sur pellicule Polaroid type 105 (dite 665 à compter de 1977) que l’artiste utilise jusqu’en 1988, alors que ceux de la seconde période, amorcée en 1989, le sont sur Polaroid type 55. Ici, l’attention est portée sur la frontalité des regards qui engagent le spectateur. Contrairement aux photographies de la série du Québec rural des années 1970, nous sommes davantage en présence de portraits à teneur psychologique.
En effet, la composition suit certaines lignes graphiques dessinées par la lumière naturelle qui baigne et sculpte les visages. Le photographe use également d’une courte profondeur de champ, isolant le sujet de son environnement. L’emploi de la chambre 4 x 5 rend les détails plus précis, or l’artiste accentue les flous plutôt que de tendre à un réalisme.
Ainsi, alors que certaines images sont contrastées, d’autres ont une facture romantique, à l’instar du portrait de Doreen Lindsay, Westmount (décembre 1989), qui remémore les photographies de l’époque victorienne, notamment celles de Julia Margaret Cameron. Quelques épreuves issues de la première série – comme celles de Rafael Bendahan, Montréal (1977) et du père de l’artiste, Sándor Szilasi, Montréal (1977) – s’inspirent plutôt de la photo d'identité, plus archétypale.
Contrairement à la croyance populaire qui associe systématiquement le Polaroid à une culture visuelle de l’instantané, Szilasi réalise ses portraits dans la tradition du studio, où l’usage de la chambre 4 x 5 freine cette prétendue spontanéité. Par ailleurs, la pellicule Polaroid en format «pack» indépendant (comprenant le négatif et le positif) lui permet de remettre une épreuve au sujet et de procéder à certains changements avant de saisir l’image finale. La participation active de l’individu à son portrait est une composante déterminante du processus de Szilasi, qui rappelle ainsi la pratique d’autres portraitistes tel David Octavius Hill (1802-1870), de même que les «portraits assistés» de August Sander (1876-1964) ou les «portraits documents» de Walker Evans (1903-1975).
Sans vouloir établir une relation directe entre ces travaux et la présente série des portraits au Polaroid, force est de constater une méthodologie à l’œuvre qui, tout en distinguant la pratique de Szilasi, l’enchâsse dans une histoire, tant le sujet se construit en écho avec cette tradition.
- Marie-Josée Lafortune
Profondément humaniste, l’importance de l’œuvre de Gabor Szilasi est indéniable dans l’histoire de la photographie contemporaine canadienne. Né à Budapest (1928), il a capté les mutations de la société québécoise et hongroise des années cinquante à nos jours. Il a également influencé toute une génération de photographes par le biais de son enseignement. Lauréat du prix Paul-Émile-Borduas 2009, Szilasi est considéré comme un pionnier de la photographie sociale documentaire au Québec. Ses œuvres font partie de bon nombre de collections au Canada et en Europe. Il est représenté par la galerie art45 à Montréal.
L’artiste remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec de son appui, ainsi que Michael Flomen.
Jaana Kokko
du 16 janvier 2010 au 20 février 2010 Life Must Be Alive
Jaana Kokko a développé un corpus d’œuvres vidéographiques où la configuration des lieux façonne la totalité de l’être. Deux vidéos sont présentées en galerie : Modern Times (Transcription) (1982/2006) et The Anarch (2008) – issues de la série «Who am I, What am I, Why am I» – recèlent la même volonté de questionner la valeur du document comme représentation du réel et élément de fiction. La parole est ici gardienne d’une histoire, d’une connaissance et d’une mémoire; l’artiste la porte à l’écran par le biais d’entrevues, dressant des portraits familiaux et individuels qui lui permettent d’observer les relations de pouvoir.
Modern Times (Transcription) (1982/2006) se construit autour d’une entrevue menée par l’artiste et une amie – toutes deux âgées de dix ans – sur les activités quotidiennes d’une femme et d’un homme. Kokko reprend cet enregistrement d’époque et en fait la trame sonore d’une nouvelle structure filmique, réunissant ainsi deux univers parallèles. À l’écran, des images tournées en 2006 : dans un espace d’exposition dépouillé, une jeune femme nettoie une vitrine et y dépose une enregistreuse. En sous-titres, l’entrevue conduite en 1982 : la transcription chronométrée des dialogues (traduits en anglais) et des sons ambiants. Cet écart de temporalité, le dépouillement du lieu mis en scène et le caractère désincarné de la bande audio accentuent le caractère fictif du document, faisant écho à ce qui sépare la réalité des protagonistes interviewés de ce qu’ils avaient imaginé devenir.
Dans The Anarch (2008), Kokko tente de redéfinir le concept d’anarchie, à l’encontre de la perception populaire qui le confond au nihilisme, au chaos, au terrorisme. Elle demande donc à Veikko Leväaho (1924-2009) de relater son expérience – l’homme ayant été traduit en cour martiale pendant la Guerre de Continuation opposant la Finlande et l’Union soviétique (1941-1944) – et de préciser ce que serait selon lui une société idéale, sans injustice.
- Geneviève Bédard + Marie-Josée Lafortune
Originaire de Finlande, Jaana Kokko détient une mâtrise en arts de l’Université d’art et de design d’Helsinki (2002) et une mâtrise en sciences économiques de l’École supérieure de commerce d'Helsinki (1999). Elle a exposé et participé à plusieurs festivals de vidéo en Finlande, en Russie et en Europe.
L’artiste remercie le Conseil des Arts de Finlande de son appui.
Anne-Lise Seusse, Gabor Szilasi
le 16 janvier 2010 Projets d'artistes originaux distribués sous forme d'affiches gratuites
*Les lieux dépositaires sont maintenant en ligne!*
Depuis janvier 2010, des projets d’artistes originaux en lien avec la programmation et les archives d’OPTICA sont distribués gratuitement sous forme d’affiches à la galerie, de même que dans des librairies, bibliothèques, centres, galeries et musées. Les premières images sont de Gabor Szilasi et Anne-Lise Seusse. La liste des lieux dépositaires peut désormais être consultée sur notre site Internet. OPTICA vous propose ainsi un parcours culturel à travers la ville : ouvrez l’œil, dénichez-les et débutez une collection!
Vous trouverez ci-dessous les adresses des lieux dépositaires participant au projet en date du 26 mars 2010. La liste est régulièrement mise à jour afin de répertorier tous nos partenaires.
Dates limites ⎟ Deadlines
du 28 février 2010 au 1 mars 2010 28 février : appel à projets (programmation 2011) 1er mars : appel à candidatures (résidence)
Pour plus d'informations, veuillez consulter les fiches virtuelles détaillées concernant notre appel à projets annuel, ainsi que notre programme de résidence de recherche jeune création (Montréal - Valence, France). Merci!
Diane Landry
du 13 mars 2010 au 17 avril 2010 Chevalier de la résignation infinie
Diane Landry fait de l’expérience l’un des motifs de sa pratique, un mode d’appréhension du monde intuitivement perçu dans son rapport à l’objet et au temps. Artiste multidisciplinaire oeuvrant en performance, elle crée des univers cinétiques à partir d’objets usuels dont elle cherche à détourner le sens et l’usage primaires, à recycler la vocation et la valeur, visant ultimement à modifier la mémoire émotionnelle liée à leur reconnaissance. Qu’il soit automatisé ou fixe, le corps en performance sert d’unité de mesure pour étudier le temps marqué par le mouvement, matériau ensuite repris sous forme archétypale dans les installations.
En galerie, de grandes roues lumineuses constituées de bouteilles de plastique et contenant du sable font des révolutions dans l’espace, transformé en Luna Park. Leur cycle fait se succéder des zones d’ombre et de lumière, allusion au passage du temps, à l’alternance du jour et de la nuit. L’installation Chevalier de la résignation infinie (2009), conçue lors d’une résidence à l’Oeil de Poisson à Québec, fait écho de façon troublante à la performance L’imperméable, présentée au Mois multi de la même année : suspendue et fixée à une structure motorisée, Landry pivote à partir d’un axe et devient un réel sablier humain. Bien que ces œuvres soient indépendantes, il est difficile de ne pas les penser, corollaire oblige, en une suite séquentielle qui nous permet de vérifier l’apport de la performance comme matériau «source» au sein de la pratique perceptuelle de Landry.
L’intérêt pour les surfaces animées – une archéologie de l’image propre au cinématographe – informe la mise en exposition, notamment avec les ombres projetées qui participent au «merveilleux». Par ailleurs, Landry poursuit son investigation du quotidien avec Jongler (2009), une animation-performance-vidéo où l’artiste apparât en silhouette face à une fenêtre. À chaque minute pendant vingt-quatre heures, une photographie est prise, documentant la pose. Les images fixes sont ensuite animées de façon à condenser le temps, restituant l’expérience dans un mouvement saccadé. La vitesse de projection reprend celle d’un film muet (16 images/sec), où Landry complexifie notre rapport à l’image en y introduisant des objets qu’elle déplace tout en donnant l’impression de rester immobile. De la performance, vous disait-on ...
- Marie-Josée Lafortune
   DVD
   Chevalier de la résignation infinie & Ce qui part au lavage
   Essais par Alison Syme
   Distribution :
   L’Œil de Poisson
   Vacuohm
   Livret 28 pages avec photos couleurs
   DVD
   Vidéo ntsc ~ 45 min
   5 installations & 3 performances 2008-2009
   extra : 2 entrevues et documentation technique sur la performance l’Imperméable.
   ISBN 978-2-9803525-9-1
« Il y a 237 bouteilles ici, dont le contenu liquide remplirait apparemment une baignoire, c’est tout. Le manque de vision dans la gestion humaine des ressources naturelles est cruellement mis en évidence ici par l’évocation du temps cosmique, en comparaison duquel l’existence humaine, voire celle de l’espèce, semble tout simplement sans importance. Et il y a quelque chose de terrifiant dans cet assemblage, si froid et serein, si imperturbable en notre présence. »
- Alison Syme
Ce livret accompagne l’exposition Chevalier de la résignation infinie, un projet créé par Diane Landry dans le cadre d’une commande de l´Œil de Poisson et financé par le Conseil des Arts du Canada. L’exposition fut présentée une première fois à Québec du 11 septembre au 18 octobre 2009.
Diane Landry vit et travaille à Québec. Récipiendaire de nombreux prix et distinctions, elle a exposé et participé à des résidences dans plusieurs villes d’Amérique, d’Europe et d’Asie. Sa pratique a fait l’objet de publications et en 2009, le Musée d’art de Joliette organise la première rétrospective lui étant consacrée. La galerie Solway Jones à Los Angeles la représente.
Bibliographie
Charron, Marie-Ève, «Roues égrenant le temps», Le Devoir, 20-21 mars 2010, p.E7.
Kartz Ucci
du 13 mars 2010 au 17 avril 2010 368 songs with the word sad in the title mixed into one song
Les théories du langage et la philosophie guident la pratique multidisciplinaire de Kartz Ucci. Invoquant un penchant assumé pour le romantisme, elle révèle que ses œuvres et leurs sujets sont souvent inspirés et (re)définis en fonction de la réponse émotionnelle que suscitent en elle différents espaces. S’intéressant tout particulièrement aux notions de reproductibilité et de réappropriation, elle s’emploie à réinterpréter textes, pièces musicales et films déjà existants, en adoptant diverses stratégies conceptuelles qui orientent à leur tour la forme et le message des œuvres produites.
La pièce 368 songs with the word sad in the title mixed into one song a été réalisée en cumulant le nombre de chansons auxquelles le titre réfère explicitement: téléchargés à partir d’Internet en soumettant le mot-clé sad (triste) dans divers moteurs de recherche GNUtella (1), les fichiers mp3 obtenus ont ensuite été combinés à l’aide d’un logiciel d’édition audio-numérique, composant ainsi une nouvelle trame sonore transférée sur vinyle. Ucci s’en remet au pouvoir évocateur des sens et y propose une expérience concrète du paradoxe constitutif de la quête du bonheur pris comme finalité de l’action humaine, cette contradiction philosophique fondamentale entre vouloir le bonheur mais ignorer ce qu’il est et les moyens d’y parvenir.
L’installation présentée en galerie comprend deux dispositifs qui s’articulent à l’œuvre sonore: un imposant panneau recouvert d’une couche de plomb – surface monochrome investissant l’espace et améliorant l’acoustique –, ainsi qu’une murale répertoriant les titres des chansons entendues, disposés en spirale iridescente. Ce symbole naturel récurrent (rappel formel du microsillon et de la platine tourne-disques) peut évoquer tant l’infini et l’ordre cosmogonique que le vertige et la confusion, voire tout mouvement d’expansion – spirale créatrice ou dextrogyre, dirigée dans le sens horaire selon la mythologie grecque – ou de contraction – inversement orientée, dite destructrice ou lévogyre. Ici, une force centrifuge invisible dissipe l’obstruction visuelle, renvoyant à la cacophonie qui s’estompe progressivement... Faisant écho à cette (sur)sollicitation sensorielle qui fait graduellement place à une harmonie dépouillée, le bonheur serait une simple visée, un tout plutôt qu’une somme (2).
- Geneviève Bédard
(1) Protocole informatique décentralisé permettant la recherche et l'échange de données entre ses utilisateurs
(2) Paul Ricoeur
Faisant suite à de brefs engagements aux universités York, McMaster et Ryerson, Kartz Ucci enseigne à l’Université d’Oregon depuis 2004. Originaire d’Ontario, son œuvre a amplement circulé en Amérique, en Europe et en Asie.
Stéphane Gilot
du 8 mai 2010 au 12 juin 2010 La cité performative
Depuis 2001, Stéphane Gilot s’emploie à redéfinir notre relation à l’espace à l’aide de constructions hybrides, lieux imaginaires au sein desquels le public est invité à participer à un véritable inventaire de situations. Désignés par l’appellation «plans d’évasions», ces dispositifs constituent des «mondes-modèles», un ensemble d’unités autonomes qui prennent part à l’édification de la cité performative, un projet en constante évolution. La représentation de ces structures – dessins, maquettes, habitacles et composantes vidéos – trahit un intérêt marqué pour l’organisation sociale des villes, nos habitus et comportements, ainsi qu’une anthropologie renouvelée de l’habitat. Proposant une synthèse de ces environnements, Gilot agit cette fois comme commissaire : il actualise les «mondes-modèles», y ajoute de nouveaux quartiers et pose un regard réflexif tant sur le processus en soi que sur les relations d’auteur et d’autorité entretenues avec ceux et celles qui sont appelés à habiter la cité.
Rediffusée en vidéo, la capacité (ou non) à vivre ensemble des participants met à nu les imperfections d’une (sur)modernité perçue comme un spectacle vivant. Bien que la dimension ludique soit pleinement investie, elle illustre de façon probante la virtualisation effrénée d’un monde où l’accès et la vitesse de transmission des informations donne l’impression de parcourir l’univers tout en restant immobile (ce que rappelle le rapport entre espace d’exposition et espace urbain). «L'époque actuelle serait peut-être plutôt l'époque de l'espace», affirmait Michel Foucault dès 1967. «Nous sommes à l'époque du simultané, [...] de la juxtaposition, [...] du proche et du lointain, du côte-à-côte, du dispersé. [...Le] monde s'éprouve moins [...] comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau.»
Ces zones intermédiaires articulant unicité et pluralité des mondes sont bien présentes dans la cité performative. Par ailleurs, cette perception rejoint le concept d’hétérotopie développé par le philosophe français, cette idée de «lieu sans lieu» qui «[...] juxtapose en un lieu réel [...] plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles»2. Faisant habilement écho à cet enchevêtrement des espaces – tel qu’expérimenté au théâtre par exemple –, Gilot prend acte et réunit dans une même œuvre différents lieux utopiques qui agissent alors comme interfaces entre réalité et fiction, renversant nos relations avec le réel et l’imaginaire tout en nous plaçant en situation de reconnâtre et de croire à leur fonctionnalité dans l’organisation de la cité.
- Marie-Josée Lafortune
1 Michel Foucault, «Dits et écrits 1984 , Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967)», in Architecture, Mouvement, Continuité, no. 5, octobre 1984, pp. 46-49.
2 Ibid, p.46
Stéphane Gilot remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que Frédéric Lavoie, les habitants de la cité performative – Anne Bérubé, Caroline Boileau, Belinda Campbell, Caroline Dubois, Rachel Echenberg, Mathieu Latulippe, François Morelli, Alisha Piercy, Victoria Stanton, Sylvie Tourangeau et Emma Waltraud Howes.
Une aide supplémentaire d’Optica a permis la réalisation de cette première présentation-synthèse de la cité performative.
«La cité performative» est brièvement mentionnée dans un nouvel article de Jérôme Delgado «Un monstre aux multiples têtes» (Le Devoir, 1-2 septembre 2012.)
Originaire de Belgique, Stéphane Gilot vit et travaille à Montréal depuis 1996. Sa cité performative comprend, en tout ou en partie, les «mondes-modèles» présentés à : Jeu vidéo – vitrine, UQÀM, Montréal (2004), Jeu vidéo – monde 1, Paul Petro Contemporary Art, Toronto (2005), Centre Oboro, Montréal (2006), Jeu vidéo – monde 2, Transmediale 06, Berlin (2006), Centre Cinéplastique, Pierre-François Ouellette art contemporain, Montréal (2006), Cineplastic Station, Paul Petro Contemporary Art, Toronto (2007), Cineplastic Station 2, Galerie F. Desimpel, Bruxelles (2007),Cineplastic Center 2, Salvaging Utopia, Truck Gallery, Calgary (2007), Hurricane Building, Vowles Building, Flux Gallery, New York (2007), Cineplastic Campus, Blackwood Gallery, Mississauga (2008).
Bibliographie
Delgado, Jérôme, «Cités de demain, cités d'aujourd'hui», Le Devoir, 22-23 mai 2010, p.E7.
«Portfolios: Stéphane Gilot», Esse, arts + opinions, automne 2010, no.70, p.55.
Sylvia Winkler, Stephan Köperl
du 8 mai 2010 au 12 juin 2010 Urbang
Les interventions dans l’espace public de Sylvia Winkler et Stephan Köperl proposent un point de vue critique sur la planification urbaine des villes qu’ils visitent. Ils les commentent en vidéo, composant des chansons engagées qui dénoncent avec ludisme les projets immobiliers et leurs modes d’implantation. Déconstruisant le message des promoteurs, le duo allemand nous alerte sur les processus actuels d’uniformisation et d’appropriation de l’espace citoyen. Les vidéos Jin Bi Lu (1997), 3rd Space (2007) et Make No $mall Plans (2008) font état des changements du tissu urbain dans les villes de Kunming et Chengdu en Chine et dans le quartier Griffintown à Montréal.
Jin Bi Lu (1997) traite de l’exode de familles autrefois aisées, issues des vieux quartiers de la ville de Kunming, au sud de la Chine. Celles-ci quittent des bâtiments historiques en mauvaise condition, dont la démolition fait écho à la dégradation de l’économie et du tissu social de la région. L’air de «Gold-Jade-Avenue» (Jin Bi Lu) – que Köperl chante en parcourant les décombres en triporteur – reprend la mélodie d’une chanson fort populaire à l’époque.
3rd Space (2007) est le nom commercial attribué à l’un des nombreux projets immobiliers en construction dans le centre de Chengdu. Cherchant à asseoir le projet sur des assises intellectuelles solides, la brochure promotionnelle cite les écrits de Virginia Woolf et renvoie aux concepts de philosophie sociale et urbaine de Jürgen Habermas et Ray Oldenburg. Adoptant le ton d’une speakerine, Winkler reprend intégralement le texte et le récite à trois endroits sur le chantier.
Make No $mall Plans (2008) a été réalisée à la suite d’une manifestation contre les plans de réaménagement du quartier Griffintown. Impressionnés par l’ampleur du débat, Winkler et Köperl ont fait de cette question controversée une partie intégrante du travail réalisé pendant leur résidence internationale du Conseil des Arts du Canada à la Fonderie Darling. Écrites sur un air connu que le groupe Deep Purple a commercialisé à la même époque où le quartier a été développé, les paroles qu’ils chantent en duo commentent la situation à Griffintown et manifestent leur appui aux activistes; le titre et le refrain se réfèrent plutôt à l'énoncé de mission de la compagnie immobilière concernée.
- Geneviève Bédard + Marie-Josée Lafortune
Œuvres présentées en galerie:
Jin Bi Lu, République populaire de Chine 1997, 7 min. 3rd Space, République populaire de Chine 2007, 2 min. Make No $mall Plans, Montréal 2008, 5min. 30sec.
Sylvia Winkler et Stephan Köperl forment un duo d’artistes depuis 1997. Diplômés de l’Académie des Beaux-Arts de Stuttgart, leurs interventions urbaines à caractère in situ se développent à partir d’observations dans l’espace public qu’ils transforment en actions où la situation initiale observée est toujours reconnaissable, bien que diverses modifications établissent un nouveau contexte.
Le 22 avril, Sylvia Winkler et Stephan Köperl proposaient PPR Experience, une installation-présentation-animation présentée dans le cadre du Jour de la Terre au Carré St-Louis de 12h à 14h, puis au Goethe Institut de 15h à 16h45.
Bibliographie
- Delgado, Jérôme, «Cités de demain, cités d'aujourd'hui», Le Devoir, 22-23 mai 2010, p.E7.
- Roy, Christian, «Interventions locales à l'échelle mondiale: Des quartiers chinois au Griffintown», Vie des arts, no 219, été 2010, p.102.
Olivia Boudreau
le 25 mai 2010 Olivia Boudreau :: Lauréate de la résidence de recherche jeune création Montréal-Valence
Depuis 2007, art3 et Optica ont initié un programme croisé de résidences de recherche axées sur la jeune création. Le but est d’offrir du temps de réflexion à un artiste dont la pratique compte déjà des réalisations à son actif.
À la suite de la commission qui s’est réunie le samedi 22 mai 2010, la candidature de Olivia Boudreau a été retenue. La lauréate se rendra à Valence à l'automne 2010 poursuivre une recherche qui s'articule autour de l'indistinct. Le jury était composé de Marie-Ève Charron, critique au Devoir, de Sylvie Gilbert, directrice de Artexte, de Marie-Josée Lafortune, directrice d’Optica et de Sylvie Vojik, directrice d’art3 Valence. Cette année, la possibilité de séjourner à Moly-Sabata en Isère s'offre à l'artiste.
Le programme croisé de résidences de recherche reçoit le soutien du Ministère des relations internationales du Québec et du Consulat général de France dans le cadre de la 62ième session de la Commission permanente de coopération franco-québécoise.
Sarah Greig
du 11 septembre 2010 au 16 octobre 2010 More Different Than Same (de la série «Complete Squares Made From the Same Seven Pieces»)
Le temps et la lumière sont les composantes principales des séries photographiques de Sarah Greig. Rendre perceptible le processus au sein même de l’image photographique est une constance dans sa pratique – pensons à l’importance qu’accordait Robert Ryman au support et à la lumière, référant à la matérialité de la peinture. Ses œuvres abstraites et minimales explorent les modèles de la perception et transposent dans le champ de la photographie les propriétés du dessin.
Comme son titre peut le laisser présager, More Different than Same (de la série «Complete Squares Made From the Same Seven Pieces») (2003, 2010) désigne un ensemble de variantes qui aboutissent à une même composition. D’une image à l’autre, alors que la configuration reste identique, la surface change : il s’agit de reconstituer un carré à partir de figures géométriques semblables, agencées différemment. L’on saisit éventuellement que les figures en aplat sont en fait des volumes et que la lumière remplace la ligne, dessine les plans et accentue les ombres portées.
Voilà qui nous renseigne sur le statut de l’image, au même titre que la multiplicité de manipulations et de déplacements qui forment le carré. Ce travail explore autant l’idée de plénitude qu’il ne renvoie à nulle chose – ni tout, ni rien – résumant ainsi l’impossibilité d’enregistrer dans sa totalité un sujet qui n’est jamais complet, qui n’a pas de fin, sinon celle que lui donne l’artiste comme œuvre. L’on comprend que le geste répété de (re)composer l’image s’expose comme document et processus.
Par ailleurs, dans une autre série en cours intitulée Light Shifting on an Object (2010 -), Greig parle en ces termes (process objects) pour décrire un dispositif perceptuel similaire, où l’image est toutefois réalisée sans caméra, à partir de papiers exposés à la lumière. De petites flèches au crayon indiquent l’emplacement et l’angle d’élévation d’un objet, soit du matériel d’encadrement érigé en structure éphémère. Ces marques de registre suggèrent une longue exposition, suite à laquelle on peut distinguer les plans formés par les subtiles variations de lumière sur la surface du papier. Le processus dans le temps est la seule référence de l’existence de l’œuvre, une dématérialisation propre aux pratiques conceptuelles que Greig rend visible comme expérience pour le spectateur.
- Marie-Josée Lafortune
«Ces images ont été conçues à travers un processus, chacune d’entre elles demeurant en cours, constituant un arrêt au sein d’un système en réarrangement perpétuel. Pour les fins de cette exposition, deux arrêts sont disposés côte à côte. Ceux-ci sont à la fois pareils et différents, et équivalents, tout comme deux individus ayant une compréhension différente d’une même chose. Ce sont des notations simples, francs documents sans affect ni manipulation. Ils ne décrivent ni imaginent autre chose, un espace inventé ou construit; ils ne décrivent qu’eux-mêmes. Rien n’est caché, tout est dévoilé; un état de choses qui donne à la division volumétrique des plans aplatis un allure impossible à premier abord, mais tout à fait plausible après coup.
Je considère ces images comme étant des «objects processus». Une perception axée uniquement sur l’image ne tient pas compte de l’espaces créé entre les images, là où se situe le « et »où l’œuvre est située : entre image, processus et idée. Ces images, tout comme une multitude d’aspects – motif, convention, structure – ne peuvent être perçues en isolement. Ici, comme est souvent le cas, les éléments constitutifs sont familiers, ou différents à un point tel où il devient difficile de percevoir l’ensemble, où les réapparitions sont difficiles à repérer.»
- sg
Traduction Marc Couroux
Dans le cadre de la 14e édition des Journées de la culture, Optica vous propose une visite commentée en galerie. L'entrée est gratuite. C'est un rendez-vous!
Pierre Boogaerts
du 11 septembre 2010 au 16 octobre 2010 Voitures bleues et ciel au-dessus de chacune d’elles (1976-1979) | Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978-79, Partie I (1978-1979)
Commissaire: Marie-Josée Lafortune
Pendant ses années de formation, Pierre Boogaerts cherche à créer une distance avec la mimésis et, bien qu’il en mâtrise les codes, il désire s’éloigner de la tradition picturale. Il se tourne alors vers la photographie, y percevant une ouverture, une démocratisation de l’image. «La photo est le seul médium qui me donne cette distance», affirme-t-il. En fait, la toile tendue prise comme signe en soi l’intéresse davantage que le geste de marquer la surface. Il y a donc chez lui le désir de travailler autrement la représentation, non seulement comme image mais pour sa matérialité. Ainsi, ce n’est pas la valeur documentaire de la photographie qui l’attire, mais plutôt la reproductibilité du médium et sa capacité d’indexer, deux éléments décisifs dans sa pratique expliquant entre autres la liberté avec laquelle il utilise l’appareil pour ses modalités techniques, comme un matériau.
Au fil d’actes, d’exercices et de promenades urbaines de Montréal à New York, Boogaerts se dote d’une approche conceptuelle singulière qui le conduit à penser l’image en fonction de l’acte photographique. Ses premières tentatives sont éloquentes; on pourrait parler d’une nouvelle subjectivité. Dans Références : plantation / jaune bananier – présentée chez OPTICA en 1975 – la juxtaposition d’un lampadaire de rue et d’un bananier produit ce qu’il nomme une «image référence». «Donner la référence jaune bananier à un objet vise à faire valoir l’impact qu’a l’image (référence) sur l’objet mais aussi sur l’environnement de cet objet», commente-t-il. Boogaerts utilise alors le terme «image synthétique» comme nouveau paradigme servant à décrire l’écart entre nature et culture, présent dans ses séries. Sur ce même thème, NewYork, N.Y. 1976-1977 – exposition en trois parties présentée conjointement chez OPTICA et à la galerie Gilles Gheerbrant en 1977 – est caractéristique de la méthode qu’il développe et qui, de concert avec la mise en exposition, «travaille» la représentation et notre relation à l’œuvre.
Par ailleurs, les écrits de l’artiste montrent qu’il s’intéresse aux questions que soulèvent l’autonomie du médium et le rapport tableau/spectateur. L’attention qu’il porte au cadrage et ce qu’il englobe ou exclut indique qu’il pense la photographie en continuation avec l’histoire de la peinture. Il est généralement admis que «le cadre détermine l’autonomie de la peinture» (Arasse) et que la perspective a transformé la vision occidentale en plaçant le spectateur comme destinataire du tableau. Pour Boogaerts, la photographie s’inscrit dans ce prolongement qui annonce la modernité.
Voilà du moins ce que nous donnent à penser les notions de perspective, de composition et d’infini des séries Voitures bleues et ciel au-dessus de chacune d’elles (1976-1979) et Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978-79, Partie I (1978-1979) constituant l’exposition actuelle. Le registre terre/ciel des deux diptyques de Voitures bleues et ciel au-dessus de chacune d’elles est illustré par la voiture d’une part, puis la trouée dans le ciel et les nuages de l’autre. Dans la partie supérieure de la première œuvre, la masse noire des édifices délimite un passage qui s’ouvre vers l’infini. Le bleu monochrome du ciel est identique à celui du véhicule de la partie inférieure, où l’ombre des édifices et le portrait de l’artiste se reflètent. Le second diptyque se perçoit davantage comme un souvenir de peinture : voiture et nuages captent les variations atmosphériques du paysage, dont l’un est émetteur (le ciel) et l’autre miroir (la surface écran), dans un effet de rabattement.
Cette série est indépendante des Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978-79, Partie I, qui désignent plutôt des abstractions géométriques, certains critiques de l’époque y décelant même une parenté avec les œuvres constructivistes. Notre regard est pourtant dirigé vers le ciel, où des cimes d’édifices surgissent des coins de l’image, correspondant à l’intersection des rues et aux limites du cadre, soit à ce qui apparât dans le viseur de l’appareil. Cette fois, l’artiste y isole un détail et le répète sous forme séquentielle : la pyramide, symbole de civilisation, apparât dans chaque photographie et oriente le sens attribué à l’image, comme le «jaune bananier» des premières œuvres. Boogaerts insiste pour dire que le signe de la pyramide (référence) se trouvait partout dans New York, de même que dans l’actualité – notons l’exposition Toutankhamon et l’amorce des pourparlers de paix au Proche-Orient.
Ce dernier corpus est significatif d’une période très active pour l’artiste, qui n’a cessé de questionner l’image et l’objectivité de l’appareil. Pour lui, ce regard dirigé vers l’extérieur (œil/objectif) façonne notre rapport au monde. Le dilemme qui l’anime et qui le conduira à interrompre sa pratique est manifeste lorsqu’il écrit «photographier, c’est [...] accepter de se conformer au point de vue de la machine. C’est accepter que notre regard soit cadré par celui de la caméra afin qu’il corresponde à celui de la société.»1
- Marie-Josée Lafortune
1. Pierre Boogaerts, «Perspective, photographie et encadrement», Parachute, no 30, mars-avril-mai 1983, p.39.
Les œuvres en exposition proviennent de la Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia. Je tiens à remercier Pierre Boogaerts de son appui, de même que Mélanie Rainville, conservatrice Max Stern, pour sa précieuse collaboration et Michèle Thériault, directrice de la galerie, pour le prêt des oeuvres.
Oeuvres en galerie
Extrait de la série Voitures bleues et ciel au-dessus de chacune d’elles, 1976-1979
Diptyque, 1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions : 51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Extrait de la série Voitures bleues et ciel au-dessus de chacune d’elles, 1976-1979
Diptyque, 1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions:51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Coin de Madison Ave et 49 th St., N.Y. – 12 décembre 1978, 1978
Extrait de la série Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978/79, Partie 1, 1978-1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions: 51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Coin de Broadway et 37th St., N.Y. – 12 décembre 1978, 1978
Extrait de la série Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978/79, Partie 1, 1978-1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions: 51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Coin de Lexington Ave et 49 th St., N.Y. – 16 janvier 1979, 1979
Extrait de la série Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978/79, Partie 1, 1978-1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions: 51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Coin de 5th Ave et 50 th St., N.Y. – 18 janvier 1979,1979
Extrait de la série Coins de rues (Pyramides) N.Y. 1978/79, Partie 1, 1978-1979
Épreuve à développement chromogène montée sur panneau de fibres
Dimensions: 51 x 61cm
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Dans le cadre de la 14e édition des Journées de la culture, Optica vous propose une visite commentée en galerie. L'entrée est gratuite. C'est un rendez-vous!
Né à Bruxelles en 1946, Pierre Boogaerts vit à Montréal depuis 1974. Il expose au Canada, aux États-Unis et en Europe. Dans les années quatre-vingt-dix, il cesse toute activité artistique et fait don de son œuvre au Musée canadien de la photographie contemporaine, à Ottawa. En 1998, il fonde le Centre Pierre Boogaerts, entièrement dédié à l’enseignement de l’Art du Chi selon la méthode Stévanovitch.
Stéphane Gilot, Suzy Lake
le 1 octobre 2010 Optica, un projet d'art contemporain no. 3 + no. 4 | Projets d'artistes originaux distribués sous forme d'affiches gratuites
*Disponible maintenant*
Depuis janvier 2010, des projets d’artistes originaux mettant en valeur la programmation courante et le fonds documentaire d’OPTICA vous sont proposés, gratuitement, sous forme d’affiches en édition limitée. Une quinzaine de lieux dépositaires forment aujourd’hui un réseau de distribution alternatif se déployant jusqu’en France. Anticipant l’orientation adoptée cette année – davantage axée sur le document et se penchant entre autres sur la part des femmes dans le développement du centre –, le prochain duo est constitué de Stéphane Gilot (no.3) et Suzy Lake (no.4), faisant suite à Gabor Szilasi (no.1) et Anne-Lise Seusse (no.2). Des images à conserver!
Vous trouverez ci-dessous les adresses des lieux dépositaires participant au projet en date du 1er décembre 2010. La liste est régulièrement mise à jour afin de répertorier tous nos partenaires.
Olivia Boudreau
du 1 octobre 2010 au 31 décembre 2010 Résidence de recherche jeune création Montréal-Valence
Olivia Boudreau est lauréate de la résidence de recherche jeune création Montréal-Valence 2010. La candidature de cette jeune artiste oeuvrant en performance et en vidéo a été retenue suite à la commission tenue le 22 mai dernier, par un jury composé de Marie-Ève Charron (Le Devoir), Sylvie Gilbert (Artexte), Marie-Josée Lafortune (Optica) et Sylvie Vojik (art3). Boudreau poursuivra à Valence une recherche s’articulant autour de l'indistinct et adoptant le concept d’embrasure comme leitmotiv; un séjour à Moly-Sabata, en Isère, s’offre à l’artiste cette année. Ce programme croisé – initié par OPTICA et art3 en 2005 – reçoit le soutien du Ministère des relations internationales du Québec et du Consulat général de France.
Christof Migone
du 6 novembre 2010 au 11 décembre 2010 Disco Sec
Auteur, mâtre de conférences, commissaire et artiste s’intéressant autant à la performance et à la vidéo qu’aux expérimentations sonores, Christof Migone présente Disco Sec, une installation à l’image de sa pratique multidisciplinaire. Oeuvres sculpturales et lumineuses se (ré)appropriant divers éléments associés à l’univers musical y côtoient œuvres audio et textuelles sur le même thème. Selon l’artiste, il s’agit d’utiliser la citation comme matière et manière fragmentaire de tracer le portrait d’une écoute à travers sa collection personnelle, proposant ainsi «un projet synoptique», «un juke-box saturé d’éclats bruitistes et de silences fantomatiques».
L’exposition conjugue un ensemble de pièces qui, bien qu’autonomes, forment un environnement immersif cohérent lorsqu’elles sont agencées, sur mesure, dans un espace donné. La version présentée chez OPTICA comprend donc notamment Disco Sec, œuvre sonore éponyme où les morceaux issus de 100 disques significatifs pour Migone sont ramenés à leurs premières et dernières secondes, sans être modifiées – une stratégie récurrente chez l’artiste, l’ayant déjà appliquée à la sphère littéraire dans «La première phrase et le dernier mot» (Le Quartanier, 2004). Dans le même souffle, Doubles et Single explorent aussi le hasard créatif de pseudos cadavres exquis: les paroles de 12 albums doubles et de 45 chansons y sont placées en ordre alphabétique, respectivement avec et sans doublons, puis imprimées sur des pochettes vierges. Ce support – par ailleurs déconstruit, avec le vinyle qu’il contient, dans Cut Cut – rappellera à certains les liens étroits, parfois mythiques, pouvant se tisser entre les arts visuels et la musique par le biais des couvertures d’album: pensons à Andy Warhol avec le Velvet Underground, parmi tant d’autres.
Somme toute, l’installation agit tel un révélateur exposant tout le potentiel de la citation qui, au-delà d’un simple outil, est élevée au rang de système. Voilà qui témoigne bien de l’adage voulant qu’au sein de toute démarche artistique s’articulent absorption (tradition) et transformation (novation), un précepte généralement bien admis tant en littérature – où «tout texte [serait] un tissu nouveau de citations révolues» (Barthes) – qu’en musique, avec d’innombrables arrangements, échantillonnages, thèmes et variations, etc. Faisant écho à toutes ces subtilités, Disco Sec instaure un riche et vaste réseau d’intermédialité. Les divers supports, textes et sons déconstruits y deviennent autant «d’objets-mémoires», tels que désignés par Migone, qu’il revient alors au spectateur de s’approprier.
- Geneviève Bédard
La liste des chansons des oeuvres Doubles, Single et Disco Sec est disponible sur : www.christofmigone.com
En marge de ses multiples activités artistiques, Christof Migone enseigne à l’Université de Toronto. Il est aussi le directeur de la Blackwood Gallery (Mississauga) et l’un des membres fondateurs de Avatar (Québec). Depuis l’automne 2008, divers éléments constituant Disco Sec ont été présentés à Mercer Union et à la Art Gallery of Ontario (Toronto), à AxeNéo7 (Gatineau) et à CCS Bard (Annandale-on-Hudson, New York); une publication est également parue chez les éditions Ohm en 2009.
Marie-Claude Bouthillier
du 6 novembre 2010 au 11 décembre 2010 Dans le ventre de la baleine
Dans l’histoire de la peinture, le motif de l’atelier est intimement lié à l’entreprise biographique de l’artiste. La nouvelle œuvre de Marie-Claude Bouthillier, Dans le ventre de la baleine (2010), confirme l’attrait pour cet espace dans notre imaginaire. En galerie, l’artiste tient le pari d’exposer un processus, concevant un environnement pictural sur mesure où elle explore les propriétés perceptuelles de la peinture, le motif de la grille et de son référent, la toile. Elle s’intéresse entre autres à la structure du Merzbau de Schwitters et à l’Atelier Brancusi, deux œuvres références (ré)actualisées dans cette installation «all-over» intégrant l’espace ambiant et transformant notre point focal.
Dans la petite galerie s’entassent donc des morceaux de canevas peints, des toiles antérieures et des objets qui évoquent l’espace de l’atelier, sans en être toutefois une reconstitution fidèle. S’il n’y a pas de référence directe au lieu, quoique l’artiste en ait reporté les dimensions, l’abondance de motifs, trames, grilles et voiles – citant au passage les séries Psychés-écrans et Apparitions – renforce l’impression d’être dans la matérialité du tableau (ou des tableaux), un sentiment appuyé par la qualité optique et tactile des différents supports et surfaces à parcourir. Dans Après l’expressionnisme abstrait (Art International, octobre 1962), Clement Greenberg reconnaissait que «la simple observance de ces deux normes – planéité et délimitation de la planéité – suffit pour créer un objet qui peut être perçu comme tableau : ainsi une toile tendue ou clouée existe déjà en tant que tableau, sans pour autant être nécessairement un tableau réussi». Comme il le soulignait à l’époque, «cette réduction n’a pas pour résultat de réduire, mais d’élargir les possibilités de l’art pictural». À cette fin, Bouthillier tend par ailleurs à une plus grande matérialité de la peinture en faisant cohabiter la représentation, la tactilité du support (allusion directe au textile), le motif et l’imprimé, en exacerbant justement ces conventions.
Avec cette installation, l’artiste insiste sur les notions de transformation et de processus afin de désigner les propriétés d’un nouvel espace dont la configuration fait songer à un refuge, un antre, un lieu en gestation – ce qu’illustre à sied le titre. Elle se réfère davantage aux constructions utopiques de Kurt Schwitters qu’à l’atelier de Brancusi : ainsi, il ne faut pas confondre cet environnement avec une mise en scène d’atelier, mais plutôt le comprendre et le percevoir comme une enveloppe qui est une même et seule œuvre.
- Marie-Josée Lafortune
«Dans le ventre de la baleine» fait l'objet d'un article de Nicolas Mavrikakis, Marie-Claude Bouthillier - Naviguer sur la toile (Voir, 18 novembre 2010), d'une entrevue radiophonique à l'émission Désautels Entrevue de Marie-Claude Bouthillier ( Désautels, 29 novembre 2010) et d'un compte rendu d'Anne-Marie St-Jean Aubre, Marie-Claude Bouthillier - Dans le ventre de la baleine ( Esse arts + opinions, no.71, Hiver 2011).
Marie-Claude Bouthillier est une figure bien connue de la scène québécoise, ayant entre autres exposé au Musée d’art contemporain de Montréal et au Musée national des beaux-arts du Québec. Elle est aussi commissaire d’exposition; mentionnons Réponse à Zola (2006), présentée au Centre d’art et de diffusion Clark. Ses œuvres font partie de collections publiques.